Manifestation en soutien à la Maskarade, free party réprimée au Nouvel An.

Les raveurs défendant le mouvement de la free party se sont aujourd’hui rassemblés dans plusieurs villes de France. A Clermont-Ferrand, cinq soundsystems (groupes de musique tekno), venus de partout dans la région, ont fait danser des centaines de teufeurs dans les rues de la ville. Ces derniers dénoncent la répression de leur mouvement, qu’ils jugent comme une alternatives sociale et culturelle. Ils demandent aussi la relaxe de Tristan, un jeune de 22 ans enfermé depuis la rave party qui a eu lieu au Nouvel An, à Lieuron. Il risque 10 ans de prison avec les autres organisateurs de cette fête clandestine. Les ravers jugent donc cette peine disproportionnée et ont peur qu’elle puisse faire jurisprudence pour réprimer toutes les prochaines free party de cette manière.

L’appel a été lancé en début de semaine. Et les teufeurs y ont répondu en masse. Près de la moitié de la place de Jaude était remplie de ravers aujourd’hui, de 14h à 17h. Quatre chars de soundsystems étaient présents, venus de Clermont-Ferrand, Lyon, Puy-en-Velay, ou encore Dijon. Sur les chars, de grands caissons s’imposent, décorés de banderoles revendicatives telles que « On n’est pas des criminels », « Les artistes ne sont pas des terroristes », « Ouvrons le dialogue », « L’État nous rend aveugle, rendons le sourd » ou encore « 10 ans de prison, 10 ans de rébellion ». A bord de ces camions décorés, des masques, du gel hydroalcoolique et des poubelles sont à disposition pour les manifestants. Car le mouvement de la free party, c’est beaucoup de libertés, mais aussi d’autres valeurs : « Les valeurs de la free party, au final, c’est la devise de la France : Liberté, égalité, fraternité » explique un des militants de la manifestation. « C’est aussi l’autogestion, la responsabilisation de soi, la solidarité et le respect des autres. » continue un autre. « La free party, c’est l’aventure, c’est la rencontre de gens de tous milieux sociaux, c’est la fête libre et surtout une famille unie. C’est l’espace pour ceux qui se sont toujours sentis à part dans cette société. C’est indispensable à notre moral, nous enlever ça, c’est nous enlever notre vie, tout simplement. » conclut un organisateur venu de Dijon.

Face à la mauvaise réputation qu’ils peuvent avoir, les ravers ont aussi organisé cette manifestation dans l’espoir de montrer une image plus positive et réaliste de ce qu’ils sont. « Malheureusement, comme dans tout mouvement, on ne véhicule dans les médias que le côté vraiment négatif de la chose. Je dis pas que tout ce qu’on dit est faux. Mais c’est une infime partie de ce qu’est réellement ce mouvement. Nous on est là avant tout pour la musique, être libre entre nous, être nous-mêmes. » explique un des organisateurs venu de Haute-Loire. D’ailleurs, même si beaucoup de jeunes sont présents, on trouve aussi des parents, des enfants et des retraités parmi les manifestants. Une poussette déambule même dans le cortège, initié dès le biberon. « Pour nous, c’était vraiment important d’être là aujourd’hui, car on n’aura peut-être plus l’occasion de se montrer. On avait aussi envie de véhiculer une image autre que celle qu’on voit dans les médias. Peut-être que vous n’aimez pas notre musique, mais nous c’est ce qui nous plait. On ne juge pas les autres, pourquoi les autres nous jugeraient ? » termine-t-il.

Mais si les teufeurs sont là aujourd’hui, c’est pour défendre leur mouvement, « que l’État cherche à supprimer », mais surtout pour « soutenir les organisateurs de la rave-party de Bretagne, de Lieuron, qui risquent une peine d’emprisonnement de 10 ans. Pour avoir organisé une fête » exprime le même organisateur venu de Haute-Loire. Les teufeurs se sentent abandonnés, méprisés des politiques publiques. Ils expriment donc un sentiment d’injustice face à la répression de leur mouvement qu’ils jugent disproportionnée et abusive. Pour eux, c’est simple : ceux qui ont le pouvoir sont protégés quand les minorités sont réprimées en toute impunité. Notamment à cause de l’affaire de Steve, jeune teuffeur retrouvé noyé lors de la fête de la musique à Nantes, il y a 18 mois. Avant sa noyade, les teuffeurs avaient été réprimés par la police, obligeant certains danseurs à sauter dans le fleuve. Steve était devenu l’emblème de la répression subie par le mouvement. Jusqu’à aujourd’hui, aucun coupable n’a été désigné pour sa mort. Tandis que pour le nouvel an, 16 chefs d’inculpation sont portés contre un teuffeur. « C’est une vaste blague. Ça ne fait que confirmer l’injustice sociale et le manque d’écoute. » se lamente un militant. « C’est pas qu’il n’y a plus de justice, c’est que c’est une justice à deux mesures. » explique un teufeur. Beaucoup sont aussi indignés qu’un simple organisateur de fête soit jugé comme un dangereux criminel : « C’est injuste que des violeurs, ou des pédophiles, prennent moins de chefs d’inculpation ou de prison qu’un organisateur de teuf. Quelqu’un qui organise une soirée c’est pour que les gens se réunissent et se retrouvent. Il faut un peu remettre les choses dans leur contexte pour juger de leur gravité. » explique une jeune fille. De nombreuses pancartes vont aussi dans ce sens.
Pour les organisateurs, « on ne pense pas que ça ne doit pas être puni. Mais 10 ans c’est excessif. Ils le savaient les organisateurs de cette free, qu’ils risqueraient quelque chose. Sauf que le gouvernement en profite pour généraliser cette sanction, et que même hors pandémie, ça restera une jurisprudence pour réprimer les autres fêtes illégales de cette manière. » De nombreux organisateurs s’insurgent aussi des énormes dispositifs, couteux à la société, mis en place pour les réprimer, quand ils ne font que la fête : « On a vu des escouades de 50 policiers, équipés et armés de fusils, des hélicoptères… » et ceci, à quasiment chaque free party repérée par les forces de l’ordre. Enfin, ils dénoncent qu’aucun respect de présomption d’innocence n’a été appliqué pour Tristan, toujours enfermé sans réelles preuves pour eux.


Les teufeurs dénoncent donc une justice injuste et un gouvernement aux mesures illogiques : « Pourquoi au début l’État nous a dit, le masque n’est pas utile ? Résultat, on a tous été contaminés. Y a des choses qui n’ont pas été réglo et c’est nous qui trinquons, le petit peuple, comme d’habitude. » s’énerve un des organisateurs venu de Dijon. « Quand on voit que dans un supermarché on peut être aussi nombreux que dans un métro, c’est nous qu’on juge ? » poursuit-il. Les teufeurs proposent des solutions pour ramener fête et culture dans notre quotidien tout en respectant les restrictions sanitaires : « Pourquoi dans certains pays, on a des tests PSR devant les boites, qui permettent à des gens 100% cleans de rentrer, s’amuser, sans qu’il y ait un infecté à l’intérieur, et en France non ? » questionne un organisateur. Un appel d’air pendant la pandémie et un retour à la culture sont donc aussi revendiqués : « C’est pas normal de condamner un gamin qui n’a rien fait, qui construit sa vie, parce qu’il a eu le malheur d’apporter du bonheur aux gens. Parce qu’on n’en parle pas des gens qui se suicident parce qu’ils perdent leur travail, de ceux en dépression parce qu’ils sont pas sortis de chez eux depuis je ne sais pas combien de temps. Donc oui on les fait sortir, parce que ces gens, soit ils se pendent, soit ils bouffent des cachetons. Au bout d’un moment, il faut que quelque chose se mette en place. » Un retour à la réalité est donc demandé, pour Tristan et les organisateurs de la soirée à Lieuron, mais aussi pour l’ensemble de la population aujourd’hui en détresse .Les teuffeurs défendent ainsi aussi un droit à la culture et dénoncent toutes les lois liberticides imposées par le gouvernement.

Après trois heures de danses sous la neige, les organisateurs de la manifestation coupent le son et rangent le matériel. « Danser est-il un crime? » voit-on écrit sur une pancarte. En tout cas, la mobilisation d’aujourd’hui s’est faite sans heurts, les manifestants précisent même que les policiers ont bien escorté les chars en régulant la circulation. Seul interrogation, le message Facebook du Maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi, expliquant qu’il n’était pas au courant de la manifestation et demandant à la préfecture de prendre ses responsabilités, provoquant un tollé sur les réseaux sociaux. Les militants ont été, malgré tout, heureux de se retrouver le temps d’un après-midi, de montrer leur musique, leurs revendications et d’avoir pu exprimer leur façon de voir la vie. Et comme il est fréquent de le dire au sein de ce mouvement : on n’ arrête pas un peuple qui danse.

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