Le mardi 17 novembre, de 9h à midi, des syndicalistes de la CGT se sont regroupé devant la cité administrative de Clermont-Ferrand. L’objectif : soutenir leur secrétaire général de Constellium Issoire, Christian Lacoste, accusé de vol par le groupe Constellium. Il était convoqué par l’inspection du travail afin d’être entendu sur cette affaire. Pour la CGT, cette plainte du groupe n’est qu’un prétexte pour licencier Christian Lacoste et ainsi punir l’action syndicale qu’il représente.
C’est en musique, dans une ambiance fraternelle et solidaire, que des syndicalistes de tous les secteurs sont venus soutenir Christian Lacoste, hier, dans la fraîcheur du matin. Plus de cent personnes sont présentes. Chacun se réchauffe avec un café, en chantant, en discutant. Dans la masse, des bribes de conversations se distinguent : « On est là« , « On ne lâchera rien« , « J’ai fait trois heures de route pour venir ce matin« . Motivés, ils le sont tous. Christian Lacoste prend la parole au micro, avant de partir pour être entendu par l’inspection du travail : « Je vais y aller. Je ne lâcherai rien, jusqu’au bout. Les dirigeants de Constellium cherchent à tuer notre organisation syndicale mais ils n’y arriveront pas. Je sais qu’ils n’ont rien du tout. On va de nouveau les démonter. » Une salve d’applaudissements, de sifflets et de cris d’encouragements suivent sa déclaration. C’est le début de l’attente. Durant trois heures, les camarades discutent, racontant chacun son indignation face à cet évènement : « C’est un acharnement contre lui parce qu’il est efficace comme secrétaire général. Ça fait des années qu’il travaille pour le groupe Constellium, parfois plus longtemps que les dirigeants eux-mêmes, il connaît parfaitement l’entreprise et les lois. Il sait redresser la direction, pointer du doigt ce qui ne va pas. Il leur apprend même des choses. Il gêne parce qu’il dit la vérité. » témoignent trois collègues de l’usine d’Issoire. « Ça leur prend plus de temps d’essayer de le contredire que d’essayer de le virer ! Ce serait du pain béni pour Constellium qu’il parte. »
Le groupe Constellium, spécialisé dans la fabrication de produits en aluminium et fournissant les secteurs de l’aérospatial, l’automobile ou encore des emballages, accuse le secrétaire général de la CGT de vol de tôles en aluminium. « C’est juste impossible » explique Frédéric, un des ouvriers du groupe. « On a le droit d’acheter cent kilos de tôle par an au prix du déchet. En gros, on achète à petit prix des pièces d’aluminium qui ne sont pas vendables car tachées ou rayées. On te le prélève sur ton salaire. Mais tu ne peux pas voler aussi facilement des tôles d’aluminium, les sortir comme ça de l’usine. Le pire c’est que ces tôles sont toujours stockées, Constellium les a encore. Ils n’ont aucune preuve concernant un vol. » D’ailleurs un CSE (Comité Social et Économique) extraordinaire, qui est une instance représentative du personnel, a été saisi en plus de l’inspection du travail par Constellium. Sur les vingt-et-un membres du comité, tous ont voté contre le renvoi de Christian Lacoste et ont conclu à un manque de preuves dans le dossier.
En plus du soutien de la CGT et du CSE, le syndicaliste reçoit celui du NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste), de FO (Force Ouvrière) et de l’UCL (Union Communiste Libertaire), présents devant la cité administrative. Patrick Goyeau, militant au NPA, explique leur présence : « On le soutient parce que ce sont des dossiers qui sont montés depuis des années contre lui. C’est un militant obstiné. Il y a quinze jours, après le vote du CSE, Constellium a ajouté de nouvelles accusations. Le groupe s’acharne sur lui. » Il poursuit en racontant une autre affaire tombée sur le dos du secrétaire général : « Un jour, deux salariés étaient en conflit. Après que ça ait fait désordre dans l’usine, un des deux employés a été licencié, pas l’autre. Sauf que celui qui est resté s’est suicidé en 2013. Et Constellium a accusé Christian d’avoir harcelé moralement cette personne et d’être responsable de son suicide ! Il est d’ailleurs convoqué le 11 janvier au tribunal correctionnel sur cette affaire. Sauf qu’entre 2011 et 2015, il y a eu six suicides à Constellium. Ce sont les dirigeants, les responsables du mal-être de leurs employés. » Pour ses collègues, Cyrille, Mickaël et Aurélien, si le groupe porte régulièrement plainte contre lui, c’est « parce qu’en tant que secrétaire général, à chaque nouvelle affaire, c’est lui qui prend pour tous les syndicalistes. Même si aucun tract n’est signé Christian Lacoste, mais bien CGT, ils ne visent que sa personne. Pour donner l’exemple, pour faire peur et se débarrasser de lui, un des seuls qui défend encore les salariés. »
Le groupe Constellium tente donc, par tous les moyens, de se débarrasser de l’employé cégétiste. Il va même jusqu’à proposer à Christian Lacoste de devenir détaché permanent pour la CGT, lui offrant un salaire complet jusqu’à sa retraite. En contrepartie, il ne doit plus revenir à l’usine d’Issoire. « On lui a proposé de quitter Constellium pour attendre tranquillement sa retraite. A l’heure actuelle, il pourrait bronzer les doigts de pieds en éventail ! Mais il a refusé, parce qu’il croit en son combat pour nous tous. » explique Aurélien. A midi, le héros des cégétistes sort enfin. Il expose son compte-rendu : « Tout ça n’est que purement politique, leur dossier est vide. Les patrons veulent incriminer l’action syndicale. Ils le font partout, à la SNCF, à la Poste, à l’Éducation Nationale… On fait un travail efficace et quand on gène, on tente de nous faire disparaître. Mais quand on a la conscience pour soi, ça va. Je dors bien. On a démonté le dossier en expliquant l’implantation des machines, la gestion de l’entreprise, mon travail au sein de l’usine. On avait des arguments concrets. Les responsables de notre entreprise n’ont aucune gêne et humanité pour faire ça. J’irai autant de fois qu’il le faudra en convocation leur expliquer que les tôles sont toujours stockées, que je travaille depuis 33 ans pour ce groupe. On me reproche de faire mon devoir d’élu du personnel mais je continuerai à me battre tous les jours. »
La chargée de communication de Constellium Issoire ne nous a pas répondu avant publication.