« Il a essayé de me violer sous la fenêtre de mon appartement où se trouvait mon mari… »

C’est une histoire sordide qui s’est passé voilà quelques années à Clermont-Ferrand. Mais l’accusé a fait appel de cette décision, et il y a quelques jours, le procès s’est déroulé au tribunal de Riom. Nous avons eu envie de vous parler de cette affaire, en anonymisant les personnages, afin de raconter la violence des faits, de la justice et des déviances humaines.

On n’est pas venu pour cette affaire, mais elle est la première de l’après-midi. La plus marquante aussi. Elle raconte les drames, elle raconte la violence, l’errance, l’impossible pardon et l’incompréhension. Une affaire dont on n’ose même pas parler en rentrant le soir. Et pourtant qui mérite d’être sue.

Parce qu’il y a d’abord, une jeune femme qui va à un anniversaire, en plein centre de Clermont. En cette soirée d’avril 2017, elle est un peu triste, c’est la crise entre le père de son fils et elle. La rupture n’est pas loin.

Pas loin d’elle non plus, il y a un homme, un tunisien venu en France il y a 10 ans, dans l’incapacité de s’intégrer et virevoltant parmi des petits boulots. Il n’a pas de ressource, pas de famille, pas de repère, pas d’avenir et s’est mis à boire. Il est perdu, sans identité réelle, d’ailleurs il en change régulièrement, trébuchant dans la malhonnêteté et parfois la violence.

La jeune femme rentre chez elle, elle pleure sur son couple à la dérive, sur sa vie, en écoutant de la musique. Elle est belle, et a l’esprit vif. Elle se sent suivie. Elle tente de ne pas paniquer, elle n’est pas loin de son appartement, elle voit d’ailleurs la lumière allumée de l’appartement où son mari l’attend, dans lequel leur fils dort. Elle n’est pas loin mais encore trop loin. Il la rattrape, lui invente un nouveau prénom en se présentant et l’agrippe par le cou, la cache derrière un buisson, lui enlève pantalon et chaussettes, et met sa main dans la culotte. Elle lève les yeux, aveuglée par la lumière qui émane de son appartement. Mais elle ne peut pas crier, elle ne peut rien faire. IL veut la forcer à une fellation : « Suce-moi « . Elle arrive à repousser son sexe de sa main. S’engage alors un combat. Dès qu’elle se rebelle, il l’étrangle de plus en plus fort. Elle ne veut pas mourir. Elle gère comme elle peut, elle ne veut pas mourir, pas maintenant, pas ici, pas comme ça. Il la lèche sur tout le visage, elle a envie de vomir. Elle repousse sa main dans la culotte, il serre plus fort autour de son cou. Puis, elle essaie de le raisonner, de lui parler « Karim, tu ne peux pas faire ça, calme-toi, je t’en prie, calme-toi… » D’un coup, l’homme se ressaisit. Il se rhabille, l’aide à se relever et lui enlève mêmes les brindilles coincées dans ses cheveux. La femme, dégoûtée, le laisse faire, retenant ses larmes. Elle doit réussir à atteindre la porte de l’immeuble, elle doit rester sereine, elle doit encore créer le change. Elle lui parle, tente de le maintenir dans le calme. Elle le regarde attentivement. Voir le visage de son bourreau. Elle appuie sur l’interphone. Son mari, inquiet, descend. Mais en quelques secondes, l’homme est déjà parti. La jeune femme est pleine d’ecchymoses, elle appelle rapidement la police, mais l’homme devient introuvable. Il sera incarcéré plus tard, et le procès aura lieu en 2019. Il sera condamné à 6 ans de prison et fiché comme auteur d’infraction sexuelle. Mais l’homme n’accepte pas la décision de justice, et fait appel.

La jeune femme doit donc revenir en ce mois de juillet 2020 à la cour d’appel. Covid oblige, l’homme est en visio de sa prison. Constamment, une télé au-dessus d’elle le montre. Elle, elle ne le regarde pas. Elle est sereine, explique avec méthode et retenue ces quelques minutes qui lui ont pris sa vie entière. Elle ne peut plus travailler, ni sortir. Elle ne peut plus s’investir dans une relation et a des difficultés a supporter son corps et à vivre une sexualité. Meurtrie. Elle n’attend que des excuses. Mais elle n’en aura pas. L’homme continue de nier. Pire, il demande à ce qu’on l’excuse, lui…La jeune femme voudrait tourner la page, mais elle est encore trop lourde pour cette silhouette toute frêle. Elle raconte ses rendez-vous en victimologie, ses rencontres avec sa psy, ses cauchemars. Elle raconte seconde par seconde, elle cherche même parfois à atténuer la violence des faits. Elle a humanisé son monstre et tente parfois de le dompter. L’avocat de la défense lui apporte son soutien, et raconte combien il est difficile de défendre l’indéfendable, même s’il tente de persuader la cour de la dureté de la peine. 6 ans pour une agression sexuelle c’est effectivement rare. La jeune femme l’écoute, elle semble s’en foutre, elle a pris perpetuité, elle, de toutes façons…L’accusé se défend, dans un mauvais français, la liaison avec le centre de détention n’est pas bonne, ça coupe, on ne comprend pas tout, même l’interprète s’y perd tant l’homme s’agace.

Elle se sent humiliée, il remet en cause ses propos, elle se met à pleurer, avec délicatesse, un petit mouchoir blanc au creux de son poing fermé. Mais son discours reste posé, cohérent, incroyablement intellectualisé, elle a cherché à comprendre, peut-être même à pardonner. Mais le coupable n’y met pas du sien. Il n’est plus un homme, il n’éprouve aucun remord. On ne peut nier la difficulté de son parcours et de sa situation, mais cela suffit-il pour qu’un être humain en piétine un autre ? Cela suffit-il à comprendre ce manque d’affect, et d’empathie…

Le mot ne viendra pas. Il ne dira pas pardon. Il ne reconnaîtra même pas véritablement les faits, malgré les preuves accablantes. Elle sait qu’elle n’a plus rien à attendre, que ce procès aura juste suffi à rouvrir une plaie qui de toutes façons était encore ouverte.

L’homme se lève, des agents pénitenciers viennent l’encadrer pour le ramener en cellule. Elle lève les yeux, elle le voit partir. Puis, elle retourne s’asseoir, elle est épuisée, elle pleure doucement. L’homme n’aura eu aucun mot ni regard, ni larmes. Elle aura été seule à revivre ce moment atroce. Elle ne peut s’appuyer que sur elle. Elle est d’une incroyable dignité. Même là, dehors, sur les marches du palais de justice, assise, avec son avocat qui la prendrait bien dans ses bras si son statut l’en autorisait.

La justice a condamné, en première instance un homme à plusieurs années de prison, en septembre, on saura si la cour d’appel allègera sa peine. Une femme, quant à elle, arrêtera peut-être un jour d’essayer de comprendre et réussira à se reconstruire. Mais ce jour-là, elle a gardé son poing fermé, abritant son mouchoir blanc, en signe d’un combat loin d’être fini. Sans savoir qu’elle a déjà gagné. Il n’aura jamais touché ni son humanisme ni sa dignité…

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