À Clermont, les personnels de la PJJ mobilisés pour plus de moyens et de considération

Voilà des mois que les personnels de la Protection Judiciaire de la Jeunesse en Auvergne alertent leur direction sur le manque de moyens, d’effectifs et de considération qu’ils subissent. Face à une situation qui se dégrade, ces derniers étaient en grève hier et rassemblés devant le foyer éducatif de la rue Paul Bert.

La PJJ, c’est la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Son rôle est d’accompagner les mineurs visés par une décision de justice. Une mission qui se décline à travers différentes structures dispersées sur le territoire. Hier, ce sont les travailleurs du foyer éducatif situé rue Paul Bert à Clermont qui ont débrayé afin de dénoncer leurs conditions de travail. Dans leur établissement, des enfants, le plus souvent entre 14 et 18 ans, sont accueillis jours et nuits. Mais le manque de moyens et d’effectif s’ajoutant à une absence d’écoute de la direction a conduit les équipes à un ras-le-bol général.

Les grands moyens

Hier, jeudi 26 octobre, les éducateurs de l’Unité éducative d’hébergement collectif étaient en  grève. Près de 100% du personnel du foyer a suivi la mobilisation. Des personnels d’autres structures étaient également présents. Le rendez-vous été donné à partir de 8h30 devant l’entrée du foyer. Une banderole, du café et des discussions. Une grande première ici où les mouvements de grève sont très rares. Mais aux grands maux les grands moyens. La quinzaine d’éducs présents témoignent tous de nombreuses difficultés dans leur travail de tous les jours. Surtout, le manque d’agents et de considération de la part d’une direction qui a changé à la rentrée a mené récemment à une agression violente envers un éducateur. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

« Un collègue aurait pu se faire tuer »

Ça s’est passé il y a plusieurs jours. Au moment du repas, un enfant a tenté de poignarder un éducateur. Ce dernier aurait pu mourir. Mais surtout, cet acte aurait pu être évité.

L’enfant a été déplacé du foyer plusieurs fois pour le bien de tous. Lorsqu’il est arrivé la première fois, il ne s’est pas bien intégré. Il a subi plusieurs épisodes de violence. Il avait peur. Les éducateurs le signalent pour demander son placement en famille d’accueil ou dans une autre structure. Cela doit servir à le protéger et à protéger les autres. Surtout, la situation psychiatrique de l’enfant est trop complexe. Cela ne devrait pas relever de la PJJ. « On n’est pas compétents pour s’occuper de gamins avec un tel niveau de psychiatrie. On nous les laisse mais on ne nous aide pas. », explique un éducateur.  

Le gamin fait des allers-retours ici. Un midi, à la cantine, il se fait recadrer par un éducateur. C’est là que la situation s’envenime et qu’il essaie de poignarder l’adulte. « Des modifications imposées ont causé un manque de sécurité au niveau des cuisines. », explique un agent. « On a alerté, on a dit plusieurs fois qu’il y avait des risques de passage à l’acte. On n’a pas été entendus. On a un collègue qui aurait pu se faire tuer et derrière, rien, aucune considération. Ce qu’il s’est passé, pour eux, c’est un non-événement. On nous parle plutôt de protocole. Du fait qu’il a été respecté. », soupire une éducatrice. « Oui, la direction territoriale applique le protocole et c’est tout. Ça déshumanise nos métiers et nos publics. Pour eux, les enfants sont des chiffres dans un tableau Excel. Des données comptables. », poursuit un de ses collègues travaillant en milieu ouvert.

« Pour que les choses bougent, il s’en est pris à un éduc. Cette situation relève de choses qu’on a déjà vu plusieurs fois ici. », résume un éducateur. En effet, une de ses collègues indique avoir assisté à quatre situations ou le psychologique prenait le pas sur le reste en moins de deux ans ici. Les personnels mobilisés rejoignent ces constats et dénoncent le manque de partenariat entre PJJ et psychiatrie. 

Manque d’effectif

Au manque de considération s’ajoute un autre problème chronique et qui englue toute l’activité au foyer : le manque d’effectif. « Normalement, on doit être une 20aine d’éducateurs mais on peut se retrouver parfois à 6 ou 7 pour faire les jours et les nuits. On a d’énormes problèmes d’effectif ce qui impacte la prise en charge des jeunes.  C’est depuis quasiment deux ans. Il y a beaucoup d’arrêts maladie et l’été, il faut solder les congés des contractuels. Cet été, on a été 4 éducateurs, ceux de nuit inclus pour faire du 7 sur 7 24 sur 24. C’est lamentable. », explique un éduc.

Sur les enfants accueillis cet été, plusieurs sont désormais incarcérés ou en Centre Éducatif Fermé. « On leur avait dit qu’on aller prendre les gamins, mais que ça n’allait rien donner. », poursuit ce dernier.  

« Ceux qui gèrent pensent ou disent que tout va bien. », ironise Carlos, membre du bureau du SNPES PJJ-FSU. Le personnel et ses représentants demandent entre autres, plutôt que des mots :

  • – Le recrutement de deux contractuels pour pallier aux arrêts maladie ou accidents du travail.
  • – La prolongation de tous contractuels en poste
  • – Le recrutement d’une psychologue pour le collectif.
  • – Le remplacement de la maîtresse de maison, poste essentiel au sein d’un foyer.
  • – Le renforcement de la place de l’infirmière, poste qui n’est actuellement qu’à 50%.
  • – L’articulation entre la direction et le foyer notamment dans les moments de crises.
  • – La nécessité de mettre en place plus de concertation et de confiance dans le traitement des demandes
  • – Le besoin de doubler les nuits avec un binôme veilleur/éducateur
Situation chronique

Si la grève était hier à Clermont, ce genre de situations se retrouve aussi sur le reste du territoire. « C’est en écho avec la situation nationale. C’est moins d’éducatif, plus de répressif, de coercitif avec l’idée de mettre les gamins entre 4 murs toute une journée et alors même que la Cour des comptes a pointé le manque de résultats des Centres Éducatifs Fermés. Un ado en général, c’est déjà compliqué alors un enfant fracassé par la vie, je vous laisse imaginer. Ses problèmes se noient dans la masse. », indique Marc Hernandez, co-secrétaire national SNPES PJJ-FSU

Échauffement

À l’issu du rassemblement, les personnels mobilisés se sont rendus dans les locaux de la PJJ afin d’interpeler la direction. Ces derniers ont listé leurs revendications mais surtout prévenu que la mobilisation du jour n’était qu’un échauffement et que d’autres journées d’actions étaient déjà prévues. Une lettre ouverte avait été adressée à la direction quelques jours auparavant.

Appel à solidarité

En attendant les prochaines mobilisations, une assemblée générale sur le temps du repas a décidé que la grève ne serait pas reconduite pour le moment. En revanche, les éducateurs ont publié un appel à solidarité que vous pouvez retrouver ci-dessous.

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