Voilà plusieurs semaines que des personnes sans solution d’hébergement se voient pousser vers la sortie de logements sociaux ou d’urgence qu’elles occupaient jusque-là. Des familles parfois avec de très jeunes enfants. Des familles venues des quatre coins du monde mais qui sont concernées par le durcissement orchestré par une préfecture déjà accusée depuis plusieurs années de mener la vie dure aux étrangers. Les personnes déboutées du droit d’asile ou sous le coup d’une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) sont touchées de plein fouet.
Face à la vague d’expulsions, personnalités politiques, hébergeurs, collectifs et citoyens se mobilisent. « Ces expulsions massives interviennent dans un contexte où le nombre de personnes sans domicile n’a jamais été aussi élevé dans le Puy-de-Dôme et dans le reste du territoire », indique la députée du Puy-de-Dôme Marianne Maximi, dans un communiqué publié le 28 mars.
Des centaines de personnes concernées
Les 19 et 20 mars, lors de réunions publiques, Olivier Bianchi, maire de Clermont-Ferrand, était interpellé par ses administrés sur la situation. Les familles directement concernées ont pris la parole. La partie visible d’un iceberg énorme. À Médiacoop, on ne compte plus les articles où l’on parle de familles à la rue, des manquements de la préfecture, des OQTF, des mineurs étrangers sans solution… Encore la semaine dernière, nous faisions état dans un papier de la politique sévère de la préfecture en termes d’accord ou de renouvellement de titre de séjour et de la politique automatique de refus de l’aide juridictionnelle ou des recours aux étrangers par le tribunal administratif.
« Elle est visible depuis quelques jours cette politique mais les pressions existent depuis que la loi Darmanin a été votée », confie le militant du Réseau Éducation Sans Frontières Didier Pagès.
Selon le RESF et les autres organisations des droits humains comme la Cimade ou la LDH, des centaines de personnes seraient concernées par les expulsions. « Ce que les organisations qui gèrent le logement d’urgence avancent comme chiffre, c’est 400 personnes. », confirme Didier Pagès. « Plus de 50 jeunes isolés à Clermont-Ferrand n’ont pas de solutions d’hébergement stable et doivent compter sur la solidarité des habitant.e.s et des collectifs mobilisés. », dénonce par exemple Marianne Maximi dans son communiqué.
Jusque dans les écoles
Jeudi 28 mars, nous recevions l’appel d’une représentante des parents d’élèves de l’école maternelle Anatole-France de Clermont. Elle rapporte que sur l’établissement, une famille dont les deux enfants de 3 et 4 ans sont scolarisés est menacée d’expulsion. « Ils vivent dans un hôtel social. L’expulsion devait être faite demain mais est gelée pour l’instant puisqu’un rassemblement aura lieu mercredi 3 avril. Lors d’une réunion avec la Cimade, la Ligue des Droits de l’Homme et RESF, une professeure de l’école a su que d’autres familles étaient concernées. », explique cette dernière. « On est dans un pays où la scolarité est obligatoire. Les enfants sont scolarisés, ils sont très bien dans les classes. », se désole la parent d’élèves. « Nous, on a recensé lundi soir en réunion une dizaine d’écoles et collèges concernés. », précise Didier Pagès.
Rassemblement
« Outre les familles (qui comportent parfois des enfants en bas âge), ce phénomène touche plusieurs centaines de personnes dans notre agglomération, dont plusieurs enfants en attente d’une décision de justice pour reconnaître leur minorité, pour lesquels la ville de Clermont-Ferrand a mis à disposition plusieurs semaines (depuis le 17/01/2024) le centre Richepin aux associations pour permettre à une dizaine de jeunes sans solution de pouvoir dormir dans un lieu en sécurité. », indiquent les élus de la majorité municipale de Clermont-Ferrand dans un communiqué du 26 mars. « Il est injuste, indigne et honteux de pointer les étrangers comme les boucs émissaires des difficultés que subit la population en lien avec l’explosion des prix, la stagnation des salaires, la progression de la précarité, le sentiment d’insécurité… », ajoutent ces derniers.
« Là, il y a une vraie émotion par rapport à ce qui est en train de se passer. On est à la fois dans le zèle du préfet et dans une consigne du ministère de l’Intérieur. », commente Didier Pagès à propos de la situation. Le RESF dénonce lui un « odieux chantage » entre accepter l’aide au retour ou subir la détresse de la rue.
Les élus de la majorité de la Ville de Clermont demandent au préfet d’user de son pouvoir discrétionnaire pour accorder le titre de séjour à tous les dossiers de régularisation de travailleurs, dont certains sont soutenus par leurs employeurs, ainsi qu’aux personnes et familles « installées depuis plusieurs années et bien intégrées ». De son côté, Marianne Maximi appelle à être présent lors du rassemblement devant la préfecture le 3 avril organisé par RESF63 à 17h30.
*Photo d’illustration : rassemblement il y a quelques mois devant le Conseil départemental en soutien aux mineurs isolés.