Le 1er mai : L’histoire d’une journée de lutte

Louis Hincker, professeur d'histoire contemporaine à l'université de Clermont Auvergne, a aujourd'hui répondu à nos questions concernant les origines du 1er mai. L'histoire de cette journée est importante pour comprendre les dynamiques qui l'animent.

Des origines américaines

Le 1er mai 1886, aux États-Unis, une grève nationale est organisée. La principale revendication : la journée de huit heures. « A l’époque, les ouvriers étaient payés à la tâche. » explique le professeur d’histoire. « Le mouvement ouvrier souhaite utiliser le temps de travail comme une mesure d’unification des salaires. Le but étant de réduire les inégalités de rémunération. C’est stratégique, parce qu’unifier les salaires, c’est unifier les aspirations ouvrières et militantes. »

Le 3 mai 1886, une bombe explose alors que les manifestations se poursuivent à Chicago. Huit policiers meurent. « On attribue cet attentat à sept syndicalistes. Trois sont condamnés à la prison à perpétuité et quatre sont pendus. » décrit Louis Hincker. Suite à ces évènements, les manifestations du 1er mai sont réitérées chaque année aux États-Unis. « Mais ce n’est pas encore une journée pérennisée comme la fête du Travail. »

L’arrivée en France

C’est le Parti ouvrier qui instaurera le 1er mai en France. « Il reprend l’idée de la journée de 8h pour se distinguer politiquement et attirer les grévistes. » Mais les grèves restent dispersées, or le Parti ouvrier souhaite unifier les différents mouvements ouvriers et marquer le coup. « Le ‘premier’ 1er mai en France se déroule en 1890 et c’est un franc succès car les grèves sont encore passibles de sanctions par le patronat. » Le but n’était pas de rendre cette manifestation annuelle, mais face à ce succès, elle est réitérée l’année suivante.

Le 1er mai 1891, les défilés dans toute la France reprennent donc. « Une manifestation dans la ville de Fourmies est réprimée, causant 9 morts et une trentaine de blessés. Des milliers de personnes assistent aux enterrements des victimes ouvrières. » Face à l’émotion internationale que suscite cette tragédie, le congrès international socialiste se réunit en août 1891 à Bruxelles. Il pérennise ainsi le 1er mai comme journée de lutte.

La tentative de récupération et l’instauration du jour férié

Le 23 avril 1919, le sénat ratifie la journée de huit heures et le 1er mai devient jour chômé. Il devient aussi la journée internationale des travailleurs. « Mais durant la seconde guerre mondiale, le 1er mai est récupéré par le régime de Vichy. Le maréchal Pétain instaure officiellement le 1er mai comme « la fête du Travail et de la Concorde sociale » pour aller avec les valeurs « Travail, Famille, Patrie ». »

Ce n’est que le 29 avril 1948 qu’est officialisée la dénomination « fête du Travail » pour le 1er mai et que ce jour devient un jour férié et chômé et payé.

L’églantine rouge, détrônée par le muguet

Au départ, les ouvriers portaient un triangle rouge pour représenter les trois faces de la journée de 8h : Huit de travail, de loisirs et de repos. L’églantine rouge, qui abonde dans la région du drame de Fourmies, supplante vite le triangle rouge. Mais la « fleur socialiste » va être remplacée par la fleur du printemps, le muguet.

En 1941, Vichy bannit définitivement l’églantine rouge. « C’est une bataille de symbole entre blanc et rouge pour supprimer toute connotation révolutionnaire ». Encore aujourd’hui, certains mouvements à gauche revendiquent que le 1er mai redevienne la fête des Travailleurs et non du Travail et que l’églantine rouge soit de nouveau son symbole.

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