Auchan : face à la casse du service, les salariés se sentent méprisés.

Le 27 novembre, de 10h à 12h, les syndicalistes CGT d’Auchan Nord à Clermont-Ferrand ont tracté des flyers pour prévenir la clientèle des futures suppressions de postes et de la mise en place de plus de caisses automatiques.

Où sont passés les 1,4 milliards d’euros de bénéfices d’Auchan ? Les 500 millions versés par l’État au CICE (Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi) ? A quoi ont servi les 79% de rentabilité en plus par rapport aux objectifs fixés pour l’année ? A quoi a servi l’augmentation de 5.4 points de la productivité des salariés d’Auchan ? Ce sont les questions que se posent les cégétistes du magasin ce matin, car malgré tous ces bénéfices et le travail fourni, Auchan compte continuer de supprimer des postes : « D’ici la fin de l’année, ils vont supprimer cinq postes sur 220 CDI ici, douze au Auchan de Aubière, cinquante-quatre au centre logistique de Cournon. Au niveau national, ils vont supprimer plus de mille postes sur les 50 000 existants, 70 à 80% des caisses manuelles mais aussi neuf des onze centres de service après vente. » explique Nicolas Deluzier, délégué syndical CGT et salarié depuis 2008 à Auchan. « L’entreprise nous dit que c’est à cause de la situation économique, que chaque année, ils font moins de bénéfices. C’est vrai, mais on ne négocie pas des suppressions de salaires quand on fait encore des bénéfices. D’autant plus que ça fait dix ans qu’on leur répète qu’il faut réinvestir dans les locaux, se numériser pour attirer les clients. Les magasins datent de 1972, les gondoles sont vieilles, le carrelage est cassé… Par la suppression de postes, ils négligent la qualité du service et les gens vont ailleurs. Mais pour eux, la seule solution c’est de virer le personnel. C’est le serpent qui se mord la queue. » ajoute-t-il, exaspéré par le mauvais management de Auchan. En dix ans, Auchan a supprimé 6 000 postes en France, soit 10% de son personnel.

Nicolas explique aussi que Auchan Nord est un commerce de proximité, situé proche de quartiers populaires, où les gens ont besoin des caisses manuelles et des services en rayon : « Certains ont besoin d’être guidés vers les produits qu’ils souhaitent, d’avoir des explications. Pareil en caisse, beaucoup de personnes sont dans des situations précaires et payent donc en espèces, en bons de réductions etc. ce qui n’est pas possible avec les caisses automatiques. Aujourd’hui, sur les vingt caisses manuelles qu’on a, seulement cinq sont ouvertes. Donc il y a la queue, ce qui exaspère les clients. C’est pas normal que les gens fassent la queue, c’est pas un bon service pour la clientèle.« Elodie, une militante venue soutenir l’action s’indigne : « Certains responsables auraient dit que l’argent en espèces proviendrait du trafic illégal. C’est clairement du mépris pour les gens qui bossent toute leur vie mais qui retirent chaque semaine le peu qu’ils peuvent dépenser. Ils stigmatisent toute une population. » Concernant les services après vente, les clients doivent désormais envoyer leur produit défectueux par courrier, ce qui n’incite pas les clients à les renvoyer et retarde les réparations. Pour les syndicalistes, cette dégradation du service en caisse, en rayon et en service après-vente sont les raisons pour lesquelles les clients du supermarché vont ailleurs. Pour eux, la solution est l’investissement plutôt que la réduction des coûts, et donc des postes. « Aucun des bénéfices n’est réinvesti. Les patrons ont fermé les magasins Auchan en Chine et ont fait trois milliards de bénéfices dessus. Ils ont fermé en Italie aussi. Au lieu de réinvestir cet argent dans l’enseigne, il donnent deux milliards aux actionnaires, dont la famille Mulliez. Tandis que nous, qui faisons leur chiffre d’affaire, on est congédiés. » s’insurge Nicolas, qui s’inquiète d’avoir le même sort en France.

Les salariés d’Auchan remarquent aussi que l’enseigne décide de mettre en place des caisses automatiques partout en France, sans prendre en compte les spécificités et besoins des magasins : « On n’est pas contre la modernité ou les caisses automatiques. Elles peuvent très bien convenir à un travailleur du centre-ville qui vient acheter rapidement son casse-croûte de midi. Mais ici, à Auchan Nord, les gens ont besoin du service clientèle. Je suis pour les caisses automatiques si ça améliore les conditions de travail parce que c’est très pénible d’être caissier, ça occasionne des maladies musculaires etc mais dans ce cas, formez les salariés à un autre poste. Du boulot dans le magasin, y en a dans les services après vente et les rayons vu que l’effectif est réduit. » Une cliente régulière commente : « On ne trouve plus les produits qu’on veut parce qu’ils n’ont pas le temps de réapprovisionner.« Nicolas explique : « On n’a pas le temps parce qu’on doit remplacer nos collègues en pause dans leur rayon en plus du nôtre. » Idem pour la station service qui employait une personne en caisse : elle a été fermée, ce qui, d’après les syndicalistes, fait perdre un million de chiffre d’affaires au Auchan Nord: « C’est pas énorme mais surtout, ceux qui venaient retirer de l’essence en même temps qu’ils faisaient leur courses ne viennent plus. Les patrons nous font perdre, encore une fois, toute notre clientèle en dégradant le service offert.« 

Quant aux 500 millions accordés aux CICE, l’enseigne les a informés que 300 millions avaient été investis, sans préciser comment. Pour les cégétistes, l’erreur a été que le président de la République n’a pas demandé de retour aux patrons concernant les aides accordées. Aucune justification d’investissement n’a été demandée. « Macron nous remerciait pendant le premier confinement, en nous disant que les salaires seraient augmentés. Rien du tout. Aujourd’hui tu as surtout des suppressions de postes partout, dans tous les secteurs. On fait comment s’il n’y a plus de boulot ? On compte bien mettre des actions en place courant décembre, en faisant sûrement des grèves. On va taper dans le portefeuille puisqu’il n’y a que ça qu’ils comprennent. » Termine Nicolas, désespéré.

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