Santé : une minute de silence « à la mort de l’hôpital public »

14h pétantes. Devant l’entrée principale du CHU Estaing, une soixantaine de soignants sont rassemblés. Ensemble, d’une seule voix, ils lisent tous le même texte que nous vous retranscrivons ci-dessous :

« Après les hôpitaux Alsaciens, ce sont les hôpitaux de la France entière qui sont en train de nous rejoindre aujourd’hui pour cette minute de silence.
Rennes, La Rochelle, Lorient, Pau, Versailles, Caen, Marseille, Paris la Pitié-Salpêtrière, Lille et sûrement bien d’autres. Nos collègues de Gabriel Montpied, Louise Michel, Estaing sont également avec nous. Il faut y croire !
C’est pourquoi nous allons relire le même texte, pour encore une fois parler d’une seule voix. Pour faire résonner cet appel. Cette expression se veut digne, dans le respect de chacun et surtout sans étiquette, sans récupération, sans banderole ni théâtralisation…mais avec toute notre conviction.

Nous sommes la communauté de Clermont-Ferrand. Merci à tous pour votre engagement au quotidien et votre présence aujourd’hui. Nous sommes réunis car nous faisons partie de la communauté hospitalière de France toutes catégories professionnelles confondues. Nous sommes là aujourd’hui car nous voulons continuer par-dessus tout à accueillir et soigner nos patients, malgré l’épuisement, malgré la fermeture des lits, malgré les restrictions budgétaires et en dépit des obstacles que nous continuons à surmonter depuis tant d’années.

Mais nous n’y arrivons plus. Aujourd’hui, ce moment de recueillement a pour but d’informer la population que l’hôpital public se meurt… L’implication physique et morale des femmes et des hommes qui le constituent ne suffit plus. Sa tête et son corps lâchent, il ne tient plus debout…Il va tout simplement disparaître. L’accès aux soins à l’hôpital pour tous, n’existera plus en l’absence d’un changement radical. Je vous invite donc à observer une minute de silence pour la mort annoncée de l’hôpital public. … »


Ici, les soignants marquent une minute de silence, puis reprennent en chœur :

« Nous sommes la communauté de Clermont-Ferrand nous sommes la communauté hospitalière de France. Merci à tous pour votre présence. Nous vous donnons rendez-vous tous les vendredis à 14h jusqu’à temps que les choses changent… en attendant reposez-vous et prenez soins de vous. »

Une initiative née du collectif inter-hospitalier

Pierre-Amaël Panoailly est pédiatre aux urgences pédiatriques du CHU d’Estaing. C’est lui qui tenait le micro ce vendredi. Il décrit comment est née l’action : « Depuis 2019, il existe un collectif inter-hospitalier qui s’était crée suite à un mécontentement général dans l’hôpital public. Il y avait eu plusieurs grosses mobilisations, des manifestations…
Puis il y a eu le COVID, cela a ralenti l’activité du collectif. Là, ce sont des collègues de Strasbourg qui ont proposé cette nouvelle initiative il y a quatre semaines. Le but, c’est de faire une minute de silence devant nos services le vendredi à 14h en hommage à la mort de l’hôpital public, avec les usagers, le personnel para-médical et tous les gens qui se sentent concernés. »

Il ajoute : « Ce n’est pas un espace pour porter des revendications, mais pour alerter l’opinion publique sur nos problématiques de terrain. »
Pourtant, au niveau national, le collectif inter-hospitalier a des revendications, sur les salaires notamment. « Il y a également une revendication autour de la tarification de l’acte médical qu’on a vu apparaître avec Sarkozy. Un acte médical, ça ne se tarifie pas, il y a aussi de l’humain, il faudrait revenir là-dessus ! », précise le pédiatre.  « De plus, le collectif demande plus de budget pour le secteur de la santé de manière générale. »

Alors pourquoi ne pas exprimer ces revendications pendant cette minute de silence ? Pour Pierre-Amaël Panoailly, ce n’est pas le but :  « Dans ces actions de minute de silence où on convie aussi des usagers, ce n’est pas le lieu pour exprimer des revendications. On veut juste montrer qu’on est en difficulté en souffrance. Le but c’est de tirer la sonnette d’alarme en vue des présidentielles pour que les candidats se positionnent là-dessus. »

Des conditions de travail dégradées

En ce qui concerne les réalités de terrain de sa profession, le pédiatre est désespéré :
« Normalement, chaque hiver, on ouvre des lits supplémentaires en pédiatrie pour faire face aux épidémies saisonnières comme la bronchiolite. Cette année à cause du COVID, on n’a pas pu. On n’arrivait pas à recruter des infirmières. Je crois qu’il y a une perte d’attractivité et de sens dans nos métiers à l’hôpital public : les salaires sont bas, les contrats sont précaires, on demande à des jeunes infirmières de faire beaucoup d’heures supplémentaires.»

Il précise également que la médecine de ville est également en souffrance, car incapable d’absorber le flux de nouveaux patients. « Il faut prendre en compte la santé avec un grand S », conclut-il, en affirmant que le mouvement se poursuivrait « au moins jusqu’aux présidentielles ».
Les soignants organiseront donc tous les vendredis à 14h une minute de silence en mémoire de l’hôpital public devant les sites hospitaliers de la ville.

Elian Barascud

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