Le Lithium en Allier : Des habitants prêts à défendre leur territoire

Une réunion publique a été organisée ce 29 novembre sur la commune de Coutansouze en Allier par Imerys. L'entreprise minière a obtenu en 2015, puis 2021 un permis de recherche d'exploration (PER) pour le lithium sur l'actuelle carrière de Kaolin. Il s'agirait d'une des plus grandes mines de lithium d'Europe qui ouvrirait en 2027. Mais, Imerys le promet, cette mine sera propre. C'est pourtant devant une salle comble que les représentants de la multinationale n'ont pas su répondre aux questions des habitants.

Il caille et il fait déjà nuit dans le petit village de Coutansouze, quand on trouve enfin une place pour garer la voiture. La salle des fêtes est pleine. Une centaine de chaises ont été installées et certaines personnes restent debout, à côté d’un petit buffet offert par Imerys.

Imerys. L’entreprise est connue dans le coin, elle a fait l’acquisition de la mine de Kaolin et est propriétaire de plusieurs hectares du site. Et, depuis l’annonce de l’ouverture de la mine de lithium, sur ce même site, 3 réunions publiques ont déjà eu lieu. Toutes rythmées par les questionnements et la colère des habitants confrontés au silence des représentants de la multinationale.

Développement durable et clin d’oeil à la coupe du monde au Quatar

Mais, d’abord, avant de goûter les gâteaux apéro et poser des questions, il faut écouter l’exposé de Daniela Liebetegger. Cette jeune femme à l’accent autrichien est directrice du développement durable pour le projet. Ce qui ne l’empêche pas de soutenir la coupe du monde au Quatar, et de l’assurer « Mon coeur est pour les bleus. »

Ce sera un peu la maman, celle à qui l’on peut confier ses peurs, ses doutes et qui sera en lien avec les habitants du territoire. Une femme. Souriante. Délicate. en stratégie com’, on n’aurait pas pu mieux rêver.

Mais, les habitants ne semblent pas se faire amadouer facilement. Nombreux sont ceux, qui pendant l’exposé griffonnent sur des papiers leurs questions pour après.

700 mille batteries et 34 millions de tonnes de lithium

Car le projet est titanesque : Ici, devrait naître la plus grande mine d’Europe de Lithium. L’idée paraît alléchante. Dans un monde où le tout-électrique est prôné, au profit du pétrole, la mine permettrait de sortir de terre 700 000 batteries de lithium pour les voitures. Pour cela, il faut extraire pas moins de 34 millions de tonnes en 25 ans.

Forêt des Colettes et biodiversité

Mais l’équipe présente rassure tout de suite. « Nous ferons une mine propre, et exemplaire en matière d’environnement. » Sur le Permis de Recherche datant de 2015, renouvelé en 2021 pourtant, l’exploitation s’étendrait jusqu’à la forêt des Colettes, site Natura 2000 et riche en biodiversité.

Pour rassurer les habitants, l’entreprise a promis de travailler dans la « co-construction ». « Cette réunion publique en est la preuve » ajoute la référente environnement.

Il n’empêche, après l’exposé, les questions se multiplient. En effet, Ni Fabrice Frebourg, chef du projet environnement, Ni Dominique Duhamet, ancien patron de la mine de Kaolin et désormais en charge du projet, n’ont pu expliquer les techniques qui seront utilisées par Imerys.

Exploitation du lithium : ça se passe comment ?

Mais 4 grandes composantes sont nécessaires à l’exploitation du lithium. Voir notre article précédent.

https://mediacoop.fr/23/11/2022/projet-de-mine-de-lithium-en-allier-les-suv-seront-contents/

D’abord l’extraction de la roche. Dans ce projet, elle serait souterraine afin de minimiser les impacts environnementaux, et en valorisant toutes les matières tel que l’étain présent, lui aussi dans la roche.

Ensuite, on broie la roche, là encore, l’entreprise promet de remettre les stérils (déchets) dans les sols. Mais comment ? Le volume de roche broyé dépasse largement celui de la roche extraite.

Toutes les opérations seront réalisées grâce à une flotte de véhicules électriques, et l’utilisation de la voie ferrée, qui passe à une dizaine de kilomètres du site. Le train permettra de charger les produits et les transporter dans l’usine de transformation. Là, la dernière étape de conversion sera réalisée.

Ainsi dit, cela paraît simple et comme le dit notre hôtesse « conçu pour être responsable. »

Questions des habitants

Mais alors plusieurs questions affluent dans le public : Qu’en est-il de l’arsenic contenu dans la roche qui une fois broyée déversera le toxique ? Quels produits chimiques seront utilisés pour extraire le lithium du Mica ? Pour détacher le lithium de la roche, il faut un système d’évaporation, et donc un besoin très important d’eau? D’où proviendra-t-elle ? Les habitants le répètent : leurs puits sont à sec depuis quelques années. Ici, on n’a pas l’eau nécessaire pour une telle exploitation.

« Et puis d’abord, c’est qui Imerys? » demande un habitant à la casquette vissée sur la tête.

Imérys, une société condamnée pour pollution

La douce Daniela répond avec fierté en déployant une nouvelle diapositive. « Nous sommes une entreprise française et nous sommes partout sur le territoire. »

« Faux » rétorque l’assemblée. « Le premier actionnaire de l’entreprise est belge. »

Et d’autres enchaînent : « Vous êtes surtout une entreprise poursuivie à maintes reprises pour pollution des sols, et des eaux. Au Brésil, vous avez été condamnés pour avoir souillé le fleuve Amazonie. Alors, dites-nous ? Combien vous avez approvisionné pour les dommages que vous nous devrez une fois notre territoire pollué, nos maisons abandonnées et nos enfants malades ? »

Applaudissements dans la salle. Silence des maîtres de cérémonie. A toutes les autres questions, leur réponse sera la même « On ne sait pas. On vous dira plus tard. »

Questions sans réponses

Agacement du côté de l’auditoire. « Vous savez combien de tonnes d’hydroxyde de lithium vous allez extraire sans savoir combien de millions de litres d’eau seront nécessaires ? Vous savez que vous utiliserez es engins électriques, des souterrains, des pompes, des voies ferrées sans savoir quels produits chimiques seront utilisés ? Comment une si grande entreprise peut ne pas répondre aux questions des petits habitants que nous sommes? »

Les mines des représentants de l’entreprise ne sourient plus vraiment. Certains s’interrogent : « Ils savent qu’ils nous cachent les choses, ou ils sont manipulés eux aussi ? Ca fait partie de la stratégie de communication ça, de ne pas répondre aux questions sensibles ? »

Promesse de 1000 emplois

Pour reprendre un peu de pouvoir, les ingénieurs parlent des 1000 emplois que permettraient l’ouverture du site. « Enfin, 500 directs, et 500 indirects. » se reprennent-ils.

Un vieux militant de Stop Mines 23 interpelle « Mais, dans les autres mines qui exploitent davantage, ils sont à peine 40. Comment pouvez-vous prétendre à un tel chiffre ? Et puis comme vous ne savez pas quelles stratégies vous allez utiliser comment pouvez vous connaitre le nombre de salariés? »

Emplois directs et indirects

Nouveaux applaudissements. La réunion publique tourne mal pour l’entreprise. Surtout quand les habitants apprennent que les 500 emplois directs ne seront pas tous sur site. « Bref, vous connaissez les bonnes nouvelles mais pas les mauvaises. »

La réunion s’achève. Dehors, on fume des clopes. Certains, venus sans trop d’avis, sont consternés. « Je ne savais pas trop quoi penser, je suis venue pour voir, mais en fait, de voir qu’ils ne veulent rien nous dire, ce n’est pas rassurant. »

Habitants perplexes

D’autres veulent y croire : « On a besoin de boulot ici, alors si ca peut permettre de remplir l’école, moi, j’attends de voir. Il ne s’agit pas d’être contre sans trop savoir. »

Et puis, il y a ceux qui se sont déjà constitués en association. L’une des militantes a oublié d’éteindre ses phares. « Mince, je n’ai plus de batterie, je ne peux pas rentrer chez moi… » Les autres la taquinent. « Ah ben, tu vois les batteries à plat, c’était pour clore le débat de la soirée ? »

Quand d’autres s’amusent : « Bon on va boire un coup, c’est Imerys qui paie. »

Les habitants, depuis cette réunion se sont mobilisés et ont créé « Stop Mines 03 » afin de se fédérer et de rester vigilants lors des prochaines échéances. « Ils nous ont dit qu’ils reviendront l’année prochaine avec les réponses à nos questions. On sera là, avec nos dossiers et nos recherches sur l’exploitation de lithium. Notre association sait comment cela fonctionne désormais. On a compris leur stratégie. Pour ma part, jespère juste qu’ils ne parviendront pas trop à diviser la population. Qu’ils ne bousilleront pas notre vie tranquille et saine du village. Rendez-vous l’année prochaine. D’ici là, on va bosser pour protéger notre environnement. »

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2 réflexions sur “Le Lithium en Allier : Des habitants prêts à défendre leur territoire”

  1. « Nous ferons une mine propre, et exemplaire en matière d’environnement. »
    Une exploitation d’une mine de lithium ne peut pas être propre. Visuellement, tout sera bien rangé mais le passif environnemental suite à cette exploitation doit être étudié. On le voit bien avec le démantèlement des centrales nucléaires : il faut une trentaine d’années pour tout recycler. Le passif environnemental est le travail des ingénieurs en dépollution. Car on ne peut pas seulement exploiter mais anticiper la remise en état d’un site en le dépolluant complètement. Que dit l’entreprise à ce sujet ? Qui financera ces travaux dans 20 ou 25 ans ?
    Dépolluer coute beaucoup plus cher pour parler simplement qu’une condamnation judiciaire pour atteinte à l’environnement. Ce n’est pas ce risque qui va rendre l’entreprise plus « verte ».
    Ensuite depuis Macron, les enjeux importants font l’objet de conventions ou de débat citoyen. Imerys dit vouloir faire de la co construction avec Le Citoyen ! On voit bien que cet artifice de démocratie est de la poudre aux yeux. Sinon, on aurait justement des citoyens au Conseil d’Administration de l’entreprise.

  2. Ping : "Lutter contre la mine c'est lutter pour la vie" - MEDIACOOP

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