Une intersyndicale très large. UNSA, SUD, UNEF, CGT, FSU, FO et Voix Lycéenne appellent à une mobilisation le 18 octobre.
Entrée du privé dans l’Education Nationale ?
La CGT Educ pose le décor « Nous assistons à la fin du lycée pro avec l’entrée du privé. » Les élèves de Bac Pro devront faire 33 semaines de stage au lieu des 22 actuellement. Les CAP se verront doubler leur temps en entreprise. « On nous dit qu’on apprend mieux sur le terrain, mais l’enseignement des matières, du métier méritent une certaine pédagogie, qu’un patron n’a pas forcément. Et puis, les professionnels sont déjà débordés, ils ne vont pas former le stagiaire comme un enseignant le fait. »
De plus, les syndicats estiment qu’à 15 ans, on ne connaît pas toujours le terrain et le milieu professionnel et que cela peut s’avérer dangereux. « Dans les cours professionnels, on aborde la sécurité, les droits, les devoirs, les savoir-faire du métier. »
2 fois plus de stages, 2 fois moins d’enseignement
Ces stages prendront forcément la place des matières enseignées en cours. « Nos élèves n’auront plus accès aux matières générales de la même façon ni à leur formation professionnelle par les enseignants. C’est dramatique pour eux, mais aussi pour nous, car on assistera à un plan social dans l’éducation. » Explique Sophie de la CGT Educ’.
Dévalorisation du lycée pro
Le représentant du SNETAA FO ne se leurre pas : « On fera passer la réforme en douceur, petit à petit, de rentrée en rentrée. Dès la 5eme, les élèves iront découvrir le milieu professionnel Déjà que nos 3eme ont du mal à trouver des stages. On sait tous qu’en milieu professionnel, seuls 7 % des élèves ont des parents cadres, la majorité vient de milieu populaire. On a tellement dévalorisé le lycée professionnel. Seuls 60 % sortent avec un diplôme. Cette réforme est calquée sur l’apprentissage, qui ne marche en France que pour les Bac+2. Pour nos élèves, ça ne marche pas. »
A la FSU, même constat : « Les stages seront gratifiés par l’Etat. Le patron bénéficiera donc de main d’œuvre gratuite. Les élèves seront moins présents au lycée, ce qui signifie une rupture d’égalité, et les formations seront délivrées en fonction des besoins locaux des entreprises sur le bassin de l’emploi. »
Former la main d’œuvre selon le territoire
Les syndicats redoutent réellement la mise en échec des élèves mais aussi la coupe budgétaire dans l’Education Nationale. « Moins d’enseignement général, moins d’esprit critique. On ne formera que de la main d’œuvre pour une tâche, une compétence pour une entreprise du coin. Mais les patrons ne peuvent pas remplacer les enseignants. Mais finalement, désormais l’Education Nationale n’aura plus son mot à dire… »
D’ailleurs, l’enseignement professionnel a désormais deux ministères de tutelle. Le ministère de l’Education Nationale et le Ministère du Travail, avec la déléguée à la formation professionnelle. Les enseignants redoutent la mainmise sur leurs élèves des entreprises. « Nos élèves ne pourront plus choisir, ils seront formés au besoins du territoire et non au métier qu’ils aiment. On les formera sur des compétences. »
Faire tourner les entreprises du coin
Du côté de Sud, on rappelle un peu l’histoire. « Ce sont les enfants des pauvres qui vont trinquer. On les formera pour faire tourner les entreprises du coin, ils ne pourront plus bouger. Ils resteront sur le territoire. Mais, rien d’étonnant, cette réforme s’inscrit dans le libéralisme. on accélère le processus de destruction du service public. C’est désormais le privé et le patronat qui décide. Avant, on appelait cela un lycée d’enseignement professionnel, puis c’est devenu un lycée professionnel, on a enlevé le mot « enseignement » ce n’est pas rien. Et désormais, on parle de lycée des métiers. »
L’inquiétude du côté des syndicats étudiants et lycéens.
L’UNEF, syndicat étudiant transpose le problème avec celui rencontré dans les facultés. « Nous assistons nous aussi à la privatisation de certaines filières. On pourrait parler désormais de licence Michelin. Le Bac pro ferme les portes de la fac. Sans enseignement général, c’est compliqué. »
Du côté de Voix Lycéenne, « le collège donne peu d’infos sur la voie professionnelle. Mais, on sait déjà que les stages de 3eme c’est vraiment difficile alors si on doit s’y mettre dès la 5eme, ça parait impossible. »
Mobilisation le 18 octobre
Ainsi, chaque organisation appelle à une mobilisation mardi prochain à 18 heures devant le rectorat pour réclamer « plus d’adultes, moins d’élèves dans les classes et plus de temps. » (NDLR : Le bac pro se passe désormais en 2 ans)
Dans une période où « on assiste à une répression des enseignants, et où on demande à la jeunesse de se taire, il semble important de défendre le droit à une éducation égalitaire. » Termine Sophie qui fait référence aux 14 lycéens réprimés lors des manifestations à Nanterre dont 5 après une longue garde à vue se sont vus signifier des poursuites judiciaires. « Le « sois prof et tais-toi » ne passe plus. Nos élèves ont droit à un enseignement qui développe leur esprit critique et qui leur garantisse un diplôme. Sans stage, pas de diplôme, sans diplôme, aucune chance d’évoluer. Ce n’est pas cet avenir que l’on veut construire avec nos élèves. »
3 réflexions sur “Réforme du lycée professionnel : Un désastre, selon les syndicats”
La formation en présentiel ne convient sans doute pas à tous. Le parcours en enseignement général est beaucoup plus lisible pour certaines catégories sociales qui voient en la matière savante, la voie royale pour réussir dans la vie.
Mais l’enseignement professionnel est perçu comme la voie de tri ou de sélection ce qui est absurde. L’apprentissage exige beaucoup plus de savoirs et de compétences que l’étude de langues étrangères à l’université.
Les objectifs sont aussi différents car l’apprenti se forme et ce processus relève bien d’un contact et d’une relation au réel qu’est le travail. On n’est pas certain du nombre de semaines nécessaires pour parvenir à se former certes. Il y a des cursus ou c’est moitié théorie et moitié pratique mais l’important est ce qu’on apprend d’un coté et de l’autre et cela a la même valeur.
IL demeure cependant que les tuteurs qui reçoivent des jeunes en apprentissage devraient être formés ainsi que les profs de lycées. Pour parler un même langage ce qui est loin d’être le cas actuellement d’où les crispations légitimes évoquées dans l’article. j’ai pu suivre ce type de formation au métier en centre de formation, donc auprès d’un enseignant et chez un « patron ». Personnellement je ne vois pas de dichotomie entre ces deux acteurs et quand on se forme on prend ce qui est transmis; ce qui comprend aussi les attitudes, façon de parler, soit l’habitus propre à chacun. Les enjeux sous tendus par l’activité aussi. On ne peut pas opposer autant ces 2 dispositifs qui sont essentiels à la réussite des jeunes.
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