Les familles Avdulahu et Mitrovic toujours menacées par des OQTF

Jeudi 26 novembre, à 18h, environ quarante-cinq personnes se sont réunies pour interpeller la préfecture concernant deux familles serbes menacées d’expulsion du territoire français mais aussi dans le but de manifester pour un meilleur traitement des sans-papiers en général. La pétition réalisée pour défendre leur cause a récolté plus de 2000 signatures et a été remise lors de la manifestation à la préfecture. A l’occasion de la journée internationale des migrants, nous revenons sur cette manifestation.

La situation n’a guère évolué depuis le dernier article sur les familles Avdulahu et Mitrovic, à retrouver ici. Elles sont toutes deux encore menacées d’expulsion par une OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français). Devant la préfecture, le syndicat de l’UNEF (Union Nationale des Étudiants de France) ainsi que le Réseau Éducation Sans Frontières (RESF63) étaient présents pour soutenir ces familles : « Les immigrés font face à des ralentissements de procédure pour obtenir leurs papiers, si bien qu’ils peuvent attendre des années et des années pour en avoir. On va se battre pour que la France redevienne un pays d’accueil digne et sécurisant. » clame Paco, représentant du syndicat de l’UNEF. « Il y a un véritablement harcèlement administratif subi par les mineurs étrangers. Quand ils se présentent devant le juge, on leur refuse la reconnaissance de leur âge en tant que mineur. Après de nombreux appels en justice, ils finissent par obtenir la reconnaissance de leur minorité à la date où ils ont déposé leur demande. Sauf que souvent, ces jeunes sont devenus majeurs entre temps car c’est très long comme procédure. Au final, ils ne reçoivent ni aide, ni prise en charge et doivent recommencer une procédure interminable pour vivre et travailler ici. C’est tout le temps comme ça, on leur vole leur jeunesse et les droits qui vont avec, comme celui de l’éducation et du travail. D’avoir une vie remplie et digne. » s’insurge Martine Roussel, militante au RESF63. « Pour les petits des familles Avdulahu et Mitrovic, on a interpellé, par des lettres de soutien, le recteur et l’inspecteur de l’académie mais aussi le préfet » explique un autre militant RESF63.

La famille Avdulahu est présente à la manifestation. Pour rappel, les deux garçons, Sultan et Muhamed, sont scolarisés à l’école Edouard-Herriot, où ils sont très bien intégrés parmi leurs camarades. La famille a reçu une OQTF lors de l’arrestation en pleine rue du père. Depuis, ils sont assignés à résidence et doivent signer plusieurs fois par semains un justificatif au commissariat. Quant à la mère, Elisabeta, elle a fait deux fois une demande de papiers en raison de son état de santé, car elle est diabétique. A la fin des discours, les petits, Sultan et Muhamed jouent à faire la course en dévalant les escaliers de la préfecture. Le père passe des appels en fumant une cigarette. La mère, qui se débrouille avec le français, sort un gros dossier plein de papiers divers et variés de son sac. « Ce sont les justificatifs comme quoi je suis allée à l’hôpital Sainte-Marie plusieurs fois ces derniers mois, dont une fois cette semaine. Regardez les ordonnances qu’on m’a données. Il y a aussi les lettres de soutien de l’école des garçons, leurs certificats de scolarité, les papiers pour les démarches administratives… » Il y a en effet deux pages remplies de prescriptions médicamenteuses fournies par l’hôpital. Elle explique qu’ils n’ont que cent euros tous les deux mois pour se nourrir, et que n’ayant pas de cuisine dans l’hôtel où ils vivent, elle doit tout acheter tout fait. Elle passe donc le plus clair de son temps au Secours Populaire. Heureusement, les enfants sont inscrits à la cantine. Elle montre aussi une convocation de la préfecture, datant du 27 juillet 2020 et raconte qu’elle y est allée pour obtenir des papiers. Sauf qu’arrivée sur place, la préfecture lui explique que la machine servant à prendre les empreintes digitales ne fonctionne pas et qu’elle recevra bientôt une autre convocation. Une convocation qui n’est jamais arrivée, contrairement à l’OQTF.

Sultan et Muhamed, qui parlent très bien le français, expliquent qu’ils ont plein de copains à l’école : « Mes copains c’est Michel, Antoine, Émile… » commence Muhamed, tandis que son petit frère enchaîne : « Moi c’est Louane, Robin, Mohamed, Ibrahim… » Les anciennes maîtresses de maternelle des garçons, venues soutenir la famille, demandent alors « Vous avez pas de copines ? » « Si il y a Juliette, elle est super gentille et trop belle ! » s’exclame Sultan, qui reprend ceux qui osent mal prononcer son nom ! Pleins de vie, ces deux garçons ont l’air heureux d’être entourés de leurs maîtresses, d’être au centre de l’attention quelques instants. « Il y a toujours eu de la solidarité de la part de l’école pour cette famille. » explique Diana, une des anciennes maîtresses des petits. « Ils se sont tellement bien intégrés en trois ans, les petits sont hyper sociables, ils nous aidaient même à communiquer avec les autres élèves que nous ne comprenions pas ! Ils traduisaient pour nous ! Au tout début, ils étaient traumatisés, Sultan pleurait tous les matins. Maintenant, il court pour rentrer en classe. » Ludmilla, une autre maîtresse raconte comment a été vécue l’arrestation du père : « On a vraiment eu peur que la police vienne prendre les enfants à l’école. »

Quant à la famille Mitrovic, elle aussi déboutée du droit d’asile par une OQTF, n’a pas pu être présente à la manifestation. Alors qu’elle était logée par CADA Emmaüs sur Mozac, sa situation a changé : « Ils ont été transférés dans un autre hébergement, à l’hôtel Kennedy. » explique, Véronique Chartier, la directrice de l’école de Mozac, où étaient scolarisés les enfants Maria et Martini. « Comme ils ont dû changer de secteur, ils ne peuvent plus être dans notre établissement… Ils sont à l’école Diderot depuis hier. » La nouvelle maîtresse de Martini, Nathalie Bagilet, promet de donner des nouvelles en cas de changement de situation. « Ça donne du baume au cœur de voir que, malgré toutes les difficultés que ces personnes traversent, ils restent toujours souriants. » conclut Véronique, inquiète pour la famille, dont les numéros de téléphone ne fonctionnent plus depuis quelques temps. En attendant une réponse de la préfecture à la pétition et aux lettres pour soutenir ces deux familles, celles-ci vivent dans un stress permanent, engendrant fatigue et angoisse. Selon RESF63, il est probable qu’elles puissent être tranquilles durant l’hiver, mais la situation reste incertaine.

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