C’est un homme en colère mais résolu à ne rien lâcher qui répond à nos questions. Le maire de Pont-Du-Château se dit écoeuré du résultat de la consultation de son équipe municipale concernant le centre d’hébergement pour mineurs qui aurait pu être installé sur sa commune. On vous le racontait ICI et Ici, il y a quelques mois, l’ANRAS avait trouvé une structure pour accueillir les enfants dans une propriété privée sur Pont-Du-Château.
Mais branle-bas de combat d’une cinquantaine d’habitants guidés par un membre de l’opposition municipale, Christophe Cescut, sur les réseaux sociaux. Sur la page « Pont du Château Notre ville » le modérateur a du travail. Il a de son aveu, dû à ce moment-là supprimer des commentaires racistes et haineux. (NDLR : la loi sur la liberté d’expression interdit la publication de ce genre de propos discriminatoires.)
Impact des réseaux sociaux
Une manifestation a même lieu devant la mairie, quelques jours plus tard, courant décembre, empêchant le maire d’organiser une réunion avec son conseil municipal à ce propos. La manifestation à laquelle nous nous étions rendus accueillait notamment une dizaine de membres de Clermont Non Conforme. Ce groupe néofasciste clermontois était venu en soutien aux opposants du projet.
Cependant, le maire a tenu, malgré tout, en ce mois de février, à obtenir l’avis consultatif de son conseil. Un avis qui n’a aucun poids juridique dans la décision de l’Anras, association sollicitée par le département du Puy-de-Dôme pour trouver ces lieux d’hébergement.
17 contre, 14 pour
17 conseillers municipaux ont voté contre l’installation du centre, contre 14 votants se disant favorables. Un vote qui a été remonté à l’ANRAS et au Conseil départemental. Un vote qui a plus que déçu l’édile de la commune, mais sans pour autant le surprendre : « je m’en doutais. » Commence celui qui a pensé à quitter ses fonction de maire. « Je ne partirai pas, ce serait leur donner raison. Au-delà de la politique, il est des valeurs humanistes qu’il faut défendre jusqu’au bout. Ils ont voulu jouer le jeu du RN, des idées d’extrême-droite en traitant ces jeunes mineurs de délinquants potentiels. Ils le paieront, car le RN doit se frotter les mains. »
La directrice est venue présenter le projet pourtant, et aucune question n’avait alors fusé, aucun contre-argument non plus, selon le maire. « Tout s’est joué sur les réseaux au final. Car dans la rue, les administré.e.s qui ne passent pas leur vie sur Internet, ne se sont pas mobilisé.e.s pour ou contre. »
« Le vote le plus important du mandat«
Pour adoucir le discours, les opposant.e.s au projet répétaient : « Pas ici. C’est pas le bon endroit. » Une excuse irrecevable du côté du maire qui concède : « Le climat actuel fait peur. Les gens sont écoeurés. Nous sommes aussi guidés par de nouveaux élus qui ne se déplacent plus, qui ne s’investissent pas et qui n’ont pas l’idée de la politique comme une fonction, mais plutôt comme une posture. »
Pourtant Patrick Perrin les avait prévenus : « Ce vote, même s’il n’a aucune portée au niveau légal, est le plus important de notre mandat, tant il montre notre politique. » Mais l’argument n’aura pas suffi.
Choqué, le maire l’a été aussi par ceux qui issus de l’immigration n’ont pas soutenu le projet. « Ils mériteraient qu’on aille discuter avec leurs parents qui sont venus en France pour sauver leur peau, comme les gosses qu’on aurait dû accueillir. »
La peur de l’autre plutôt que la fraternité
Cependant, le maire le voit sur sa propre commune : « Alors qu’on est dans un période difficile et que la solidarité pourrait être une solution, les gens se replient sur eux-mêmes. Les gens n’ont plus d’espoir et ont peur de l’autre. On se rend bien compte qu’on a du mal à mobiliser dans les syndicats, par exemple. On ne se bat que pour soi. Le collectif n’existe plus. »
Même au CCAS de Pont-du-Château, les choses ont changé. De plus en plus de gens viennent pour les aides alimentaires. « On se rend compte que la politique n’est plus à la hauteur avec des élus qui viennent juste récupérer leurs indemnités, que la société de la peur a remplacé celle de la fraternité et qu’il faut bien l’avouer l’actualité nationale et internationale ne donne pas d’espoir. »
Un projet de location de salle pour mariage…
L’ANRAS ira certainement chercher un lieu ailleurs, ne voulant pas prendre le risque de mettre des jeunes mineurs sur une commune où ils risqueraient d’être mal accueillis. La propriétaire devrait relancer une activité de location de salles, car depuis 5 ans, elle cherche des repreneurs et aurait été heureuse que son bâtiment soit utilisé comme lieu d’accueil.
Il aura suffi de quelques bulletins à un conseil municipal et une manifestation instrumentalisée par quelques habitants pour que Pont-Du-Château devienne une commune où il ne fait pas bon vivre pour les jeunes mineurs isolés.
On ne peut s’empêcher de donner écho aux propose de ces quelques habitants venus défendre le projet et qui ne pensaient pas qu’il serait un jour nécessaire de se déplacer pour ça. Ils avaient soupiré, tête baissée, en regardant les opposants : « La honte… »